L'entreprise et la création de communs
Face aux défis environnementaux et sociétaux que nous connaissons, il est crucial de favoriser la capacité d’action des entreprises en faveur de l’intérêt collectif. Cadre juridique revisité, gouvernance et management réinventés, outils collaboratifs repensés… encouragent en France cette démarche.
Les entreprises se révèlent d’une extraordinaire puissance pour modeler les communs selon le Collège des Bernardins1. Et nous avons besoin de l’engagement de toutes les entreprises pour répondre aux challenges sociaux et environnementaux du XXIème siècle.
Définis par Elinor Ostrom de façon large comme toute « ressource partagée par un groupe de personnes », les communs d’entreprises revêtent une nature éminemment philosophique.
Les communs d’entreprises, un ciment pour l’intérêt collectif.
Les travaux du Collège des Bernardins permettent de différencier les communs qui sont à priori déjà présents, comme une source d’eau, des communs d’entreprises qui ne sont fondés sur aucun commun préexistant. « Dans l’entreprise, il n’y a pas d’intérêt à priori commun entre les parties qui la composent ; il existe autre chose : quelque chose que l’on souhaite créer en commun (…) Ce qui fédère l’entreprise c’est son unité : cet inconnu que l’on désire en commun. », selon Blanche Segrestin, Professeur à Mines ParisTech et co-directrice du programme de recherche "Gouvernement de l’entreprise, création de commun".
Les communs d’entreprises émanent de la volonté collective des collaborateurs, une notion profondément liée à celle de leur engagement. Or, l’entreprise connaît une crise profonde de légitimité. 6 % seulement des salariés sont engagés, contre 74 % qui ne le sont pas, et 20 % qui sont désengagés2. Alors que 82 % des salariés pensent que les entreprises sont responsables de leur bonheur3, ces dernières tentent de les motiver avec des techniques dites de « happiness management ». Des espaces de travail plus design, plus ludiques, plus « healthy», voire plus pratiques (pressing, conciergerie, etc.) se sont multipliés dans les entreprises.
Ces aménagements qui agissent sur l’amélioration des conditions de travail ne peuvent cependant pas forcer une personne qui ne le souhaite pas à être engagée. À la racine du problème : l’écoute. Les collaborateurs veulent être entendus. 77 % estiment que l’entreprise devrait fonctionner comme une réelle démocratie pour les salariés qui seraient pleinement associés aux décisions stratégiques4.
Parallèlement, pour 51 % des cadres5 : exercer un métier qui a du sens est jugé « très important ». Au point que 37 % seraient prêts à gagner moins pour exercer un travail qui a du sens6 et jusqu’à 50 % chez les 18-24 ans. Enfin, les collaborateurs formulent des exigences croissantes quant au rôle social et/ou environnemental que devrait jouer leur entreprise.
La « raison d’être » de l’entreprise, véritable changement de paradigme.
Pour soutenir l’action positive des entreprises qui placent les enjeux sociétaux et environnementaux au cœur de leur modèle, la loi Pacte de 2019 (« Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises ») prévoit la possibilité d’insérer une « raison d'être » dans les statuts. «
C’est une avancée considérable d’affirmer que l’entreprise n’est ni simplement la confrontation du capital et du travail, ni simplement une société commerciale uniquement tournée vers la réalisation de profits. C’est aussi une entité où doit se développer une action collective créatrice », selon Blanche Segrestin7.
Autre nouveauté de la loi Pacte : le statut d’«entreprise à mission ». Le principe est d'écrire dans les statuts de la société une mission sociale et/ou environnementale qui s'ajoute à la recherche du profit. Cette différenciation positive a pour effet « d’encourager les sociétés classiques à s’interroger et se positionner : font-elles partie du problème ou de la solution ? Ce nouveau statut contribue à accélérer la transition d’entreprises classiques vers un développement durable », comme l’explique Emery Jacquillat8, PDG de Camif. Plus largement, la loi Pacte étend l’objet social d’une société, et donc sa responsabilité, à la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux de son activité (Article 1833, alinéa 2, du Code Civil). La modification de l’objet social nécessite la mise en place d’une gouvernance associée.
Pour passer aux solutions concrètes, les entreprises inventent et explorent des innovations managériales.
Des entreprises centrées sur leur raison d'être, pionnières en matière de gouvernance
La Camif, l’une des premières « entreprise à mission » avant la loi Pacte, incarne pleinement le concept d’innovation managériale. Son management non conventionnel est organisé selon une hiérarchie plane, avec une organisation par groupes de projet.
La Camif mise sur un modèle de management participatif dans une logique de co-création. Au sein de la Camif « Tout le monde peut s’exprimer sur à peu près n’importe quel sujet, quel que soit le niveau et même le métier. C’est une richesse pour le collaborateur de savoir qu’il peut s’investir dans un projet qui n’est pas forcément ce qu’il fait tous les jours ; qui va venir nourrir et grandir le collaborateur », explique Emery Jacquillat9, PDG de Camif.
Pour Michelin, également entreprise à mission, « La raison d’être n’est pas suffisante pour engager dans la durée les salariés (…) Il faut communiquer en permanence. Et ensuite, dans les pratiques managériales il faut créer un lien le plus fort possible entre les actions qui existent au quotidien et la raison d’être (…) », explique Jean-Claude Pats10, Directeur du Personnel - Membre du Comité Exécutif du Groupe Michelin.
D’autres entreprises comme LIP, horloger, misent sur une gouvernance écologique avec l’holocratie.
Les initiatives en matière d’innovation managériale sont protéiformes et il est difficile de théoriser un modèle de gouvernance en raison des spécificités de chaque entreprise. Il existe cependant un dénominateur commun : le développement de pratiques collaboratives.
Les outils collaboratifs pour favoriser l’action collective
Les vagues successives de confinement ont accéléré le recours au télétravail et l’usage massif d’outils collaboratifs (Teams, Slack, ...) grâce auxquelles les collaborateurs travaillent et conservent un lien social les uns avec les autres.
Mais dans le cadre de cette nouvelle organisation à distance, les entreprises ont dû repenser l’accès des salariés à l’information interne (actualités, connaissances, formations, etc.). Les offres de plateformes de travail collaboratif se sont ainsi multipliées depuis deux ans, mais toutes ne se valent pas. Et les mutations structurelles du monde du travail en faveur du bien-être et de la lutte contre le changement climatique nécessitent d’aller encore plus loin.
Pour prendre en compte l’ensemble de ces besoins, Woofer propose un outil d’expérience collaborateur intégrant communication interne, écoute des individus et partage de savoir.
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L’anonymat qui favorise la parole vraie et la mise à disposition d’une bibliothèque de contenus engagés (Green, créés en partenariat avec Carbone 4 et l’ADEME, Baromètre social) et inspirants (développement personnel, sociologie...).
Par Floriane Franck